Se sont ainsi structurées et développées au fil du temps les 4 branches de protection sociale [¹] que nous connaissons et auxquelles les français sont profondément attachés, faisant ainsi la démonstration que le pari de solidarité et de cohésion sociale qui avait été celui, il y a 75 ans, du CNR, était aujourd’hui gagné.
Les principes fondamentaux d’une branche de protection sociale
Si ce pari a été gagné et si, depuis ¾ de siècle les français tiennent tant à leur sécurité sociale, c’est pour l’essentiel parce que les principes fondateurs d’une branche de protection sociale ont été, malgré quelques entorses [²],respectés : universalité des droits, égalité de traitement et financement par la solidarité.
Un système inéquitable et à bout de souffle
Dans la France d’aujourd’hui, plusieurs constats s’imposent :
- Un nouveau risque d’exclusion et de fracture sociale est progressivement apparu, celui lié aux situations de perte d’autonomie, quelles qu’en soient les causes : handicap, grand âge, situation sociale.
- Le risque « perte d’autonomie » depuis 75 ans, contrairement aux branches de notre protection sociale, a été géré dans le cadre de politiques d’aide sociale dont les principes sont très éloignés de ceux d’un régime de protection sociale ou de sécurité sociale.
- Là où la protection sociale appelle des financements solidaires, l’aide sociale apporte des ressources d’origine et de philosophie très différentes en provenance de l’Etat, des caisses de sécurité sociale, de la fiscalité territoriale, des personnes elles-mêmes dont la capacité contributive est très variable, creusant ainsi les inégalités entre riches et pauvres.
- Là où la protection sociale garantit l’universalité des droits et l’égalité de traitement, l’aide sociale introduit des règles disparates et variables suivant les territoires et les financeurs, accentuant les inégalités
- Là où la protection sociale garantit une gouvernance et un pilotage bien identifié, lisible et cohérent des politiques publiques, l’aide sociale balkanise les politiques publiques entre une multitude d’acteurs, services déconcentrés de l’Etat et collectivités territoriales, certes bien intentionnés mais avec des moyens sensiblement différents et des priorités politiques variables.
- Les inégalités d’accès aux droits, de financement, de qualité et de contenu des réponses apportées aux personnes en situation de perte d’autonomie se sont creusées au fil des années. Deux chiffres pour illustrer cette situation : le montant de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) pour les personnes âgées et de la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) pour les personnes handicapées, qui sont les deux prestations de compensation de base, varie dans un rapport de 1 à 1,4 suivant les départements. De même, si l’on regarde du côté des établissements accueillant des publics fragiles, les écarts sont encore plus significatifs : de 1 à 2,6 pour les foyers d’hébergement ou de vie, par exemple.
- Enfin, l’éclatement de la gouvernance et du pilotage entre Etat et Collectivités territoriales génère des cloisonnements entre régulateurs et financeurs mais aussi entre prestataires de services, ce qui nuit aux développements des parcours de vie, de santé et de soins qui est pourtant, avec le « mieux travailler ensemble », l’une des clés de l’amélioration de l’efficience de notre système de santé. De même, comment imaginer des plans d’investissement nationaux, là où ils sont pourtant si nécessaires (plateau technique des Ephad, résidences services, télé-médecine au domicile, système d’information entre professionnels de l’accompagnement et du soin) quand pour les mettre en œuvre il faudra réunir l’accord d’autant de financeurs et de régulateurs ?
Une opportunité historique de réforme
Dans le contexte actuel de crise sociale et de besoin d’unité nationale et de cohésion sociale, l’opportunité apparait, portée par la volonté gouvernementale, de créer une 5ème branche de protection sociale dite branche autonomie.
C’est une occasion unique, historique de doter notre pays d’un nouveau système de protection sociale doté d’une gouvernance unique associant tous les acteurs y compris les représentants de la société civile (la branche) et d’un pilotage cohérent et ordonné des politiques publiques garantissant réellement l’universalité des droits, l’égalité de traitement des personnes et le financement par la solidarité.
Pour une « vraie » 5ème branche
En résumé, les enjeux d’une « vraie » 5ème branche consistent à passer d’un financement hétérogène aujourd’hui à un financement solidaire demain, d’une gouvernance balkanisée à une gouvernance unifiée, des inégalités d’aujourd’hui à l’universalité et à l’égalité de traitement demain, de l’actuel fonctionnement en silos à des pratiques transversales de construction de parcours de vie et de santé.
La FISAF appelle au courage politique pour réformer notre fiscalité, revoir la place et le rôle des institutions nationales et territoriales, faire une place à la démocratie sociale, associer les bénéficiaires, permettre aux innovations de se déployer et créer les conditions d’une réforme continue permettant l’adaptation du système à l’évolution des besoins et des capacités des populations.
La FISAF militera en faveur et soutiendra toutes les propositions de réformes et de création d’une 5ème branche qui respecteront les principes fondamentaux rappelés ci-dessus.
[¹] Les quatre branches : maladie, retraite, famille, accidents du travail et maladies professionnelles. Depuis une cinquième branche « technique » est venue se rajouter : la branche cotisation et recouvrement.
[²] Par exemple, la multiplication des régimes de retraite a été une entorse au principe d’égalité de traitement des personnes.