PEJS - Pôle d’enseignement pour les jeunes sourds - Constats et propositions
Les élèves sourds et malentendants nécessitent un accompagnement pluridisciplinaire, des actions pédagogiques personnalisées et adaptées ainsi que des modalités d’accessibilité et de compensation plurielles.
Constats et propositions de la FISAF sur les PEJS1
Mars 2021
De la diversité des profils des jeunes déficients auditifs et de leurs besoins d’accompagnement
Les caractéristiques des jeunes déficients auditifs, en particulier leurs choix linguistiques et leurs modes de communication (langue française écrite, LfPC ou LSF), sont plurielles. Cela entraîne des modalités de scolarisation différenciées. En outre, nombreux sont les jeunes accompagnés qui présentent des troubles cognitifs, comportementaux ou relationnels associés.
Sur 10 500 élèves sourds scolarisés 2 :
Il est à noter que 90 % des enfants sourds ont des parents entendants.
Selon les choix linguistiques premiers, l’apprentissage de la langue écrite ne mobilise pas les mêmes approches pédagogiques.
Par conséquent, les élèves sourds nécessitent un accompagnement pluridisciplinaire, des actions pédagogiques personnalisées et adaptées ainsi que des modalités d’accessibilité et de compensation plurielles.
Les dispositifs de scolarisation pour les jeunes élèves sourds sur les territoires et leurs limites
Actuellement, les jeunes élèves sourds peuvent accéder à des parcours de scolarisation à travers les modalités suivantes :
- L’inclusion individuelle en milieu ordinaire ; avec l’appui éventuel d’un SESSAD ou SSEFS et/ou d’un AESH et/ou d’un matériel pédagogique adapté.
Il est à noter que ce mode de scolarisation est complexe pour un jeune sourd signant du fait de l’absence de « pair » et du risque d’isolement et d’appauvrissement de la langue. - La scolarisation en milieu ordinaire au sein d’un dispositif collectif en ULIS ; des temps de regroupements dédiés sont prévus en plus des adaptations et des compensations (surtout pour des élèves présentant des troubles des apprentissages ou cognitifs).
- La scolarisation en unité d’enseignement (externe – UEE notamment) par le secteur médico-social ; à temps plein ou partagé avec l’Education Nationale pour des élèves présentant le plus souvent des troubles associés.
- La particularité des PEJS.5 Ces pôles, prévus dans chaque académie, sont destinés à regrouper toutes les ressources nécessaires à l’accompagnement des jeunes élèves sourds pour le 1er et le 2nd degré. Ils doivent permettre à ces élèves de maintenir une scolarisation complète en tenant compte des caractéristiques de leurs parcours scolaires et des choix linguistiques (LSF, LfPC, langue française). Chaque académie doit proposer un PEJS avec des enseignants disposant des capacités d’enseignement linguistique plurielles dont des enseignants de niveau B2 voire C1 en LSF.6
Ces dispositifs, en théorie, doivent respecter la diversité linguistique des élèves et garantir l’accessibilité des cours en LSF ou LfPC, avec une pédagogie adaptée, tout en respectant les logiques de proximité pour la scolarisation de ces élèves. Cela nécessite le recours à des professionnels dotés de compétences de différente nature et la mise en œuvre de nombreux modes d’accessibilité et de compensation.
En réalité, de nombreux élèves déficients auditifs ne disposent pas d’un accompagnement d’accessibilité linguistique adaptée en classe (difficulté à recevoir tous les messages oraux, inadaptation des moyens de compensation, bruits ambiants qui mettent à mal l’efficacité des prothèses, difficulté à la prise de notes…). 7
De plus, à ce jour, les PEJS existants sont souvent orientés exclusivement vers des élèves sourds signants, avec peu de troubles associés.
Car les moyens humains et techniques adaptés aux jeunes élèves sourds, en respectant leur diversité et leur choix, sont nécessairement importants, tant pour la compensation que pour l’accessibilité, alors qu’il s’agit, le plus souvent sur les territoires, de petits groupes d’élèves, aux profils contrastés, répartis dans des niveaux de classe différents.
Les dispositifs de scolarisation pour les jeunes élèves sourds qui ont fait la preuve de leur pertinence dans le cadre de démarches concertées
Les services médico-sociaux spécialisés (SESSAD ou SSEFS) ont comme mission d’accompagner les élèves sourds en inclusion scolaire, notamment grâce à des professionnels aux compétences plurielles.
Les « plateaux-techniques » des ESMS spécialisés en surdité sont ainsi constitués d’enseignants spécialisés (dans les modes de communication et les pédagogies adaptées, titulaires notamment de diplômes de type CAPEJS 8 ), de codeurs en LfPC, d’interprètes en LSF, d’orthophonistes, d’interfaces de communication…
🔎 Focus sur les UEE déployées par le secteur médico-social contribuant à la mise en œuvre de parcours personnalisés en fonction des profils des jeunes sourds :
- Par une réponse au besoin spécifique de chaque jeune grâce à un plateau technique étayé ;
- Par des actions de co-éducation (médico-social et Education nationale en fonction des besoins réels des jeunes) ;
- Par des actions menées en coopération avec différents acteurs (familles, Education nationale, professionnels du médico-social et du libéral, acteurs de droit commun…)
Les UEE sont efficientes car les réponses sont conçues à partir des besoins des jeunes dans une logique d’individualisation et d’adaptation des modes d’accompagnement en s’appuyant sur des outils et des acteurs multiples.
Les plateaux-techniques pluridisciplinaires du secteur médico-social spécialisé et la mise en œuvre de leur fonction d’appui-ressources
Les réponses apportées par les professionnels du médico-social sont le fruit d’un travail transdisciplinaire qui n’est pas seulement de nature pédagogique. Il se traduit, en effet, de la façon suivante :
- Identification fine des caractéristiques du jeune déficient auditif, de ses besoins et de ses projets, en lien avec sa famille.
- Interventions d’une équipe pluridisciplinaire selon un mode « agile » en fonction des évolutions du jeune :
- Professeur spécialisé CAPEJS 9
- Mais aussi : interprète LSF, codeur LfPC, interface de communication, thérapeutes, orthophonistes …
- Capacités à proposer des « prestations annexes » : par exemple, l’internat si cela est nécessaire aux besoins d’autonomie du jeune ou de la restauration comprenant des temps d’accompagnement pédagogique voire thérapeutique.
- Des conventions avec des professionnels libéraux et/ ou des acteurs du droit commun au regard des problématiques du jeune pour la scolarisation, l’accès à l’autonomie et à l’orientation.
Les inclusions individuelles et collectives nécessitent des actions de sensibilisation, de prévention et d'accompagnement dans le cadre de la fonction-ressources des établissements et services médico-sociaux tant à l’égard du jeune, de sa famille ou encore des enseignants.
Car répondre à la logique de parcours individualisés de scolarisation inclusive nécessite de la flexibilité, de la souplesse et des adaptations multiples.
Ainsi, certaines UEE fonctionnement comme des ULIS et certains jeunes seulement sont en inclusion « scolaire » avec ou sans accompagnement (professeur spécialisé, éducateur, codeur, interface de communication). Les autres bénéficient d’enseignement spécialisé à temps plein.
De nombreux projets sont en cours de déploiement pour améliorer les réponses apportées
Les coopérations sur les territoires se multiplient pour apporter des réponses aux jeunes, à leurs familles et aux équipes éducatives de l’Education Nationale. En outre, le secteur médico-social intensifie sa capacité à proposer des parcours personnalisés et adaptés en se ré-organisant.
- Par le passage en « dispositif intégré » des ESMS pour favoriser la fluidité des parcours entre les dispositifs et la réactivité des réponses ;
- Par la mise en place d’équipes mobiles d’appui à la scolarisation ;
- Par des actions de partenariat avec l’Education Nationale dans le cadre des PIAL renforcés.
Les propositions de la FISAF :
👉 Une coopération renforcée entre l’éducation nationale et les services spécialisés du médico-social sur les territoires pour une intervention en réseau plus efficiente, laquelle permettrait de :
- Partager un diagnostic sur les profils des jeunes déficients auditifs 10 concernés sur les différents territoires de l’académie.
- Réaliser une analyse fine des besoins de compensation au regard des modalités linguistiques et de la nature du handicap (degré de surdité, handicaps associés, scolarité antérieure…) 11. La prise en compte de « l’environnement scolaire » est d’autant plus importante que la situation d’un bénéficiaire est complexe (handicaps associés).
- Identifier et cartographier les expertises et les outils des différents acteurs spécialisés sur les territoires concernés.
👉 Définir de façon claire et partagée des critères d’orientation en UEE, ULIS et PEJS. En effet, si la circulaire PEJS détermine les critères d’orientation en PEJS, rien n’est indiqué précisément concernant les critères d'orientation vers les unités d'enseignement du médico-social.12 Il est simplement dit « lorsque la situation de l'enfant ou de l'adolescent le nécessite, et en fonction de son projet de formation, il peut être proposé à l'élève une scolarisation en UE dans le médico-social.» Or les parents ont besoin de clarté sur les prestations proposées dans le cadre de l’accompagnement pour faire des choix concernant leurs enfants.
👉 Concevoir une organisation souple, ouverte et basée sur la complémentarité qui permette de mettre en place des accompagnements individualisés en fonction de l’évolution des besoins des jeunes (et de la couverture territoriale à assurer). Les équipes mobiles d’appui à la scolarisation, lorsqu’elles seront élargies à l’ensemble des territoires, constitueront aussi des modes de réponses à intégrer.
👉 Constituer un partage d’outils et de pratiques entre les équipes de l’éducation nationale et du médico-social, notamment en ce qui concerne les outils de communication et de diagnostic utilisés.
👉 Mettre en place des actions de formation croisées entre les acteurs.
👉 Formaliser par le biais d’une convention-type spécifique au PEJS, laquelle détaillerait les modes d'intervention et de coopération entre les services médico-sociaux et l’Education Nationale. Cela permettrait de clarifier le « qui fait quoi » en précisant les différents modes d’accompagnements fournis par les professionnels du médico-social dans les différents établissements et au regard des situations réelles des jeunes. Cela contribuera à une plus grande lisibilité des dispositifs existants, y compris dans une démarche régionalisée des acteurs spécialisés de la déficience auditive.
Contact Presse :
Danielle Narcam, Responsable des relations institutionnelles
Mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Tél : 05 57 77 48 34
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[1] Circulaire n° 2017-011 du 03 février 2017 concernant la mise en œuvre du parcours de formation du jeune sourd.
[2] Source : DGESCO – Octobre 2020
[3] La LfPC associe une approche audio-phonatoire et certains aspects de l’approche visuo-gestuelle (LSF) pour favoriser l’accessibilité à la langue française vocale.
[4] Certains jeunes sourds utilisent des communications non verbales et non LSF (pictogrammes par exemple)
[5] En 2020, 16 PEJS étaient en place avec des moyens très variables. Par exemple, nombreux sont ceux qui ne proposent pas de LfPC.
[6] 42 % des élèves inscrits dans des PEJS le sont en LSF et 21 % en LfPC.
[7] Extraits de l’ALPC « Pistes de réflexion sur la circulaire n°2017-011 du 03-2-2017 concernant la mise en œuvre du parcours de formation du jeune sourd ». L’ALPC évoque à ce sujet des « micro-exclusions quotidiennes ».
[9] Le Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement des jeunes sourds (CAPEJS) est
un diplôme d’Etat, masterisé, spécialisé dans l’enseignement adapté aux jeunes élèves sourds. Décret du 21 février 2018.
[10] Le seuil d’audition est compris entre 70 et 90 décibels pour la déficience auditive sévère, égal ou supérieur à 90 décibels pour la déficience auditive profonde. En cas de troubles associés, les jeunes peuvent être admis avec un seuil d’audition se situant entre 40 et 70 dB.
[11] Le besoin se définit comme un écart à la norme de réalisation, tout en s’appuyant sur les capacités et les potentialités, les habitudes et le projet de vie de la personne, dans un environnement donné.
[12] Une Unité d’Enseignement spécialisé a une fonction transverse ; elle assure la mise en oeuvre de compensations pédagogiques dans une approche pluridisciplinaire et partenariale.